À propos de…(12) Bjørnstjerne Bjørnson ( Par Knut Hamsun)

Prenez un homme comme Bjornson, lui qui, sans conteste, a eu la plus grande influence sur notre littérature nationale. Cet homme est un éducateur populaire par sympathie et disposition, et un paysan et démocrate par tempérament. Son esprit est grand et simple, il renverse puissamment de lourdes choses, et il sent son cœur s’émouvoir d’une joie vivante lorsqu’il peut parvenir à éclairer les gens en expliquant que Samson est un dieu solaire et les livres de Samuel une histoire sujette à caution. Cela le réjouit au plus intime de son âme de pouvoir être le premier à introduire dans la poésie norvégienne un nouveau remède français contre l’anémie, ou d’être le premier à recommander la gymnastique pour le péché contre l’esprit saint.

Lorsqu’une femme de Boston lui envoie un ouvrage sur les accouchements sans douleurs, cela lui inspire immédiatement une série d’articles pleins d’atmosphère. Ce lui est un besoin et un devoir intime que de bourrer ses romans d’hypnotisme, de critique biblique, de droit de vote universel et de directives sur l’emploi d’instruments chirurgicaux. Ses livres sont des armoires à pharmacie pour les gens en montagne et pour les gens en mer, des entrepôts où l’on trouve une quantité de bonnes choses. Il n’y a pas de changement ou d’ombre de variation dans son activité comme éducateur du peuple et médecin de la société. Il soigne toutes les poitrines, il corrige tous les manques, donne de bons conseils comme une rebouteuse, exhorte, sermonne, prêche, avertit, menace, s’insinue partout, souvent sans avoir été appelé, souvent sans être le bienvenu, simplement en vertu du très violent besoin d’être présent partout où il se croit nécessaire. À peine a-t-il été éclairé sur quelques observations dans le domaine de la vie nerveuse qu’il écrit une pièce de théâtre sur des miraculeuses guérisons et à peine lui a-t-on relaté quelques traits de la vie scolaire en Amérique qu’il fonde l’école de Rendalen dans le roman On pavoise. Il met le savoir en grumeaux dans ses livres, rien n’est trop peu poétique et rien trop peu esthétique pour être mis au rebut. Il vulgarise l’interprétation de la bible de Caspary dans le Nyt Tidsskrift et la philosophie morale de Guyau dans Dagbladet. Tout cela, cet homme le fait pour être utile et profitable aux êtres humains, pour servir le peuple partout dans le pays.

©Knut Hamsun – Littérature à la mode et autres textes (Littérature norvégienne) [Joseph K // 1996]

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