Zaïneb Hamdi – Où mon amour sera houb (Extraits) [L’arbre de Diane // 2024]

Au commencement était le Verbe
Dans un souffle, à peine perceptible
Il prit forme dans la bouche.
La langue se tord, claque sur le palais
Les lèvre se pincent, s’étirent
Les cordes résonnent.

Sur les hauteurs de Babel
Mille alpha, alif et A.
Tous les enfants prononcent « mama »
Tous les poumons s’éructent
Crachent le verbe, le mot
Différents.
Car il n’y aura jamais, jamais assez de langues
Pour décrire le monde.

Adolescente, j’étais blanche.
Tache de thon-mayo sur le t-shirt DDP©. Ça part pas à la lessive.
« Y a du porc dans le spaghetti bolo? », la dame de la cantine lève
les yeux au ciel.
Les Chokotoffs© te collent aux dents, cheveux cramés au Babyliss©,
brindille au bonnet A et sourcils trop épais.
Puis j’ai grandi, je suis devenue brune, je suis devenue bronzée.
Dans ton école d’art, tu fais partie des minorités.

Ado Blanche, au milieu de mes basanées,
Femme brune au milieu de nanties blanches qui se la jouent ghetto.

À nos mères,
Quel est le connard
Qui a réussi à vous faire croire
Qu’il y avait de la vitamine C
Dans le Capri-Sun©?

Mon dieu que les garçons sont beaux à mon âge
J’ai vu du clair-obscur entre leurs clavicules
Des scintillements de soleil sur leurs épaules.
Sur le torse me semble-t-il, un Caravage
Une perspective, un point de fuite.
Lorsque les dents se serrent, les muscles bandent
L’ossature apparente, un David
Une croix dessinée entre front et bouche.
Moi béate,
Je me suis signée devant vos visages.

©Zaïneb Hamdi – Où mon amour sera houb [L’arbre de Diane // 2024]

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